Tuesday, 16 April 2024
Le thai sucre E-mail Imprimer
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MauvaisBon 
Ecrit par FADM  
Tuesday, 11 December 2007

Le Thaï sucré

J'ai longtemps hésité à choisir le sujet dont j'allais vous parler. J'ai failli vous parler du riz et puis, un voyage en train à Bangkok m'a finalement décidé pour ce qui suit :

Une fois n'est pas coutume et je commencerai par une anecdote. Je me trouvais dans la petite  gargote ou nous avons l'habitude de commander de temps en temps nos soupes au village. La restauratrice, notre voisine connait nos goûts et nous prépare d'excellentes soupes de pates sans sucre ni glutamate. Sa fille à côté prépare un somtam pour une cliente (salade de papaye verte effilée que l'on pile dans un mortier avec des cacahuètes, des haricots verts crus, un citron, une tomate, un crabe, des piments et le tout est arrosé de nioc man. Tchac Tchac, quelques coups de pilons et elle goute. Je lui demande si c'est bon.  A sa grimace je comprends que quelque chose ne lui plait pas, mais le remède est là, à portée de sa main et se présente sous la forme d'un pot de sucre de canne. Deux cuillères à café de sucre, tchac tchac quelques coups de pilon et elle goute à nouveau. Un grand sourire illumine sa face. Aroï (C'est bon). .  

Comme chacun sait, la Thaïlande est réputée au même titre que la France, le Maroc et quelques autres pays pour la qualité et la variété de leur nourriture. C'est vrai qu'en Thaïlande on mange bien, mais attention cependant à la dérive qui, insidieusement tend à transformer la cuisine Thaï en véritable bombe à retardement. Je m'explique :

Il y a une vingtaine d'années et même moins, le thaï moyen ne roulait pas sur l'or. Il n'y roule malheureusement toujours pas, mais, sa condition de vie s'est nettement améliorée. A cette époque, il se contentait pour manger d'un peu de riz blanc qu'il accompagnait de viande, de  poisson grillé ou bouilli quand il en avait, sinon un œuf faisait l'affaire. Il agrémentait ses plats d'épices et de condiments : coriandre, badiane, gingembre, anis étoilé, basilic etc.. qui y ajoutaient une saveur incomparable. Bref, une cuisine simple, la base de la cuisine thaïe.

Depuis la Thaïlande va mieux et a su redresser la barre après la presque faillite du pays en 1997. Les salaires ont augmenté et curieusement le prix de la vie ne s'est pas envolé. A titre d'exemple un riz frit à l'époque coutait dix baths soit environ trois francs ou 45 centimes d'euro et il vaut aujourd'hui  vingt à vingt cinq baths soit une cinquantaine de centimes d'euro. Les loyers (pour des vacances de longue durée, voir rubrique conseils) comme les services d'état : électricité, gaz n'ont pratiquement pas bougé. Seuls les carburants comme partout ailleurs subissent l'inflation et encore ils restent à un prix que l'on souhaiterait trouver à nos pompes : 0,60€ pour le gasoil

Le Thaïlandais a maintenant de l'argent dans sa poche. Quand fait-il ?

Mon histoire commence là : 8 heures 45, nous prenons place dans le compartiment du train qui va nous amener à Bangkok pour récupérer nos passeports qui ont été renouvelés faute de place sur les anciens par l'ambassade de France. J'ouvre une parenthèse, l'ambassade ne renouvelle les passeports des français que si ces derniers résident depuis plus de six mois dans le pays et sont enregistrés auprès de  l'ambassade. Toutefois, en cas d'urgence, le consul pourra vous dépanner par la délivrance d'un passeport d'urgence. Etonnant non ! Je ferme la parenthèse. Les enfants sont restés au village.

En face de nous une jeune mère et sa fille de onze ans ont pris place. Le train n'a pas parcouru plus de cinq cents mètres que la jeune fille sort une poche contenant une quinzaine de tronçons de canne à sucre fraichement débités et pelés. Mère et fille commencent alors une longue mastication appliquée et méthodique jusqu'à ce que la dernière goutte de nectar saturé de sucre  du dernier morceau de canne soit avalée. Elles recrachent discrètement la cellulose dans la poche maintenant vide.

En Thaïlande la restauration dans les trains n'est pas laissée à la seule discrétion de la compagnie. Des dizaines de vendeurs ambulants font la navette entre les gares et proposent  à la vente une grande variété de nourriture et de boissons. Cela va de la collection d'insectes grillés au poulet barbecue et riz frit, des pâtisseries aux bonbons, fruits et boissons alcoolisées ou non. Il ne se passe pas deux minutes sans que vous ne soyez sollicités.

            

Dans ces conditions, nos deux  compagnes ne tardent pas à craquer. La mère commande une poche de cacahuètes fraiches et sa fille une mangue verte accompagnée de son traditionnel  sachet de sucre de canne et de piments. Nous sommes en Thaïlande ! Elles picorent le tout du bout des doigts  de bon appétit. Je tourne la tête, partout dans le compartiment les mandibules s'affairent sans relâche. Ça croque, ça suce, ça boit, chacun se sucre.

Une heure ne s'est pas passée que nos deux voisines craquent à nouveau pour un sachet de riz gluant vert à la noix de coco. C'est délicieux  pour l'avoir gouté mais sacrément sucré.

Midi, masya et moi prenons un poulet barbecue accompagné de riz gluant et sommes imités par nos compagnes. Le poulet est caramélisé par la sauce qui a servi à le badigeonner lors de la cuisson.  Le repas terminé, elles s'endorment l'une sur l'autre,  repues.  Une demi-heure plus tard, elles refont surface en même temps, comme réveillées par une petite horloge interne et hèlent un vendeur. La mère commande deux brochettes de boulettes de viande et louchines (farce à base de poisson)  servies avec un sachet de sauce hyper sucrée genre sirop d'érable tandis que sa fille reprend une seconde mangue et son sachet de sucre.

On pourrait croire que s'arrête là l'épisode gastronomique. Eh bien non. Si la mère semble ne plus pourvoir rien avaler, il n'en va pas de même pour sa fille qui commande sur le coup de quinze heures un riz frit. Comme dirait Mathieu : « elle métabolise à donf »!

           

Peut-on penser que cette boulimie n'est que passagère et soit due à ce long voyage ennuyeux. Pas vraiment. Revenons au village.

Autrefois il y avait dans chaque maison un brasero et les enfants et les personnes âgées, tout en gardant les troupeaux faisaient collecte de petit bois sec pour faire bouillir la marmite. Le repas  était frugal comme nous l'avons vu. De nos jours les braseros ont pratiquement disparus et quelques petits malins qui ont tout compris sillonnent les villages à pied, en triporteur ou en voiture en proposant à la vente toute la nourriture dont peuvent rêver les thaïs. De sept à dix heures défilent les plats consistants relayés par les confiseries, glaces et brochettes pour couper une petite faim. A partir de quinze heures les marchands ambulants font le siège à la sortie des écoles et proposent gâteaux, glaces et crêpes  accompagnés de sodas, limonades et autres cocas et la ronde des plats cuisinés reprend sur le coup des dix sept heures pour le repas du soir. Ce même manège se reproduit chaque jour de l'année. Profitant de ces conditions de facilité et d'un  prix de revient dérisoire, pratiquement plus personne ne cuisine à la maison. Le hic, car il y a un hic, c'est que tous les plats sont accompagnés de sauce et toutes ces sauces sont sucrées à l'exception du traditionnel prick nam pla (sauce de poisson fortement pimentée et relevée au citron) et le thaï moyen avale en moyenne l'équivalent de dix à quinze morceaux de sucre par jour. Enorme !

            

Vous l'aurez compris, le Thaï est très gourmand en général. Il mange à tout moment et souvent mal et ne sait pas se modérer. Tentez-le et il craque. Peut être une découverte tardive des produits hyper sucrés à fait naitre chez eux un besoin effréné ? Le fait est que la Thaïlande se prépare à des lendemains peu souriants.

            

Nous avons sillonné le pays et  partout ce sont les mêmes constatations. 

           

Les grandes enseignes aussi ne s'y sont pas trompées et se sont engouffrées dans le créneau. Pas moins de trente hypermarchés "carrefour" ont été construits à ce jour dans le pays dont une vingtaine à Bangkok. Une bonne centaine de Tesco et Makro quadrillent le pays et chaque mois de nouveaux apparaissent. Les MC Do, Kentucky, KFC and co fleurissent à tous les coins de rue et ne désemplissent pas. Pour info le premier MC Do  a vu le jour en 1997 à Bangkok. Il était situé au pied de l'hôtel Méridien.

Une pub sur deux, et dieu sait qu'il y a des pubs à la télé en Thaïlande a  trait à la nourriture.

Est-ce que cela a des conséquences ? Certainement.  Tout d'abord, tout comme l'iceberg il y a la partie visible : Les filles rondelettes voire obèses sont de plus en plus nombreuses. Je dis les filles car les garçons et les hommes ne semblent pas sensibles à ce phénomène et on les voit rarement grignoter. Ils préfèrent se regrouper et boire.

La partie cachée est bien plus sérieuse. Le service de santé gouvernemental compte les malades grâce  à deux séances annuelles de dépistage du diabète et dans le petit village où nous nous trouvons, une  famille sur deux ou plus en est victime. Il y a quelques semaines, une de nos voisines a du être hospitalisée plusieurs jours suite à un second coma diabétique.

Si vous comptiez joindre l'utile à l'agréable en combinant vacances en Thaïlande et petit régime, c'est raté. Plus grave, si vous êtes tenus à un régime sans sucre, faites très attention. Précisez bien lors de la commande que vous ne voulez pas de sucre et croisez les doigts. Le sucrage est devenu un réflexe naturel et un oubli est si vite arrivé.

Il est d'autant plus dur de lutter contre ce fléau, car les gens manquent d'information et ont une approche de la maladie différente de la notre. Tant qu'un examen médical ne leur révèle pas la maladie en général, ils s'en considèrent à l'abri. Combien de fois à t'on entendu : « moi je ne risque rien car je ne suis pas grosse » ou « Je ne risque rien car mon père et ma mère n'en avaient pas ».

Et  nous, sommes nous à l'abri de ce phénomène sucré. Pour se convaincre du contraire,  il suffit de se demander comment l'on peut faire avaler des céréales à nos chérubins. Avez-vous déjà goûté à du blé, de l'avoine, du seigle ou de l'orge nature. Moi je vais vous le dire, c'est comme la tarte au concombre : Pas bon !

 

Dernière mise à jour ( Wednesday, 07 May 2008 )
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